دراسات وأبحاث في أصل الجماعة والسلطة والقاعدة القانونية ومسايرتها للتطورات والتحولات الاقتصادية والاجتماعية والسياسية في تاريخ الإنسانية
الجيلالي شبيه، أستاذ التعليم العالي في القانون، جامعة القاضي عياض، مراكش
Recherches sur l’origine de la
collectivité, de l’autorité et de la règle de droit et leur adaptation aux
différentes transformations socioéconomiques et politiques dans l’histoire de
l’humanité (Jilali
Chabih-FSJES-UCAM- Maroc)
دراسات وأبحاث في أصل الجماعة والسلطة والقاعدة
القانونية ومسايرتها للتطورات والتحولات الاقتصادية والاجتماعية والسياسية في
تاريخ الإنسانية (الجيلالي شبيه، أستاذ التعليم
العالي في العلوم القانونية، جامعة القاضي عياض، مراكش)
Cette Contribution m’a pris beaucoup de temps, et nous
concerne tous, toutes disciplines confondues. Elle nous concerne, parce que
nous y trouverons, je pense, les origines lointaines aussi bien de ce que nous
avons pris coutume d’appeler « droit privé » ou « droit public »,
que « gestion » ou « économie ».
Nous nous sommes appuyés pour la réalisation de cette
contribution - qui est, nous semble-t-il, nouvelle, inédite, dans les facultés
de droit, du moins dans celles du Maroc - relative à l’organisation sociale dans
l’histoire de l’humanité, sur des sources scientifiques solides aussi différentes
que complémentaires : d’ordres géologiques, paléontologiques, archéologiques,
anthropologiques et historiques.
Forts de cette pluralité épistémologique
interactionnelle, nous avons adopté une approche intégrative, sociologique de
l’évolution du phénomène juridico-politique.
Aussi avons-nous minutieusement délimité, arrêté,
notre champ d’investigation, puis quadrillé notre objet de recherche, sur
l’origine et l’histoire de l’humanité et de l’organisation sociale, et par
conséquent, élaboré une grille de lecture sur la base de quatre grandes
périodes, quatre grandes ères civilisationnelles : le Paléolithique, le Mésolithique,
le Néolithique et l’Ere moderne.
1)- L’organisation
ou la vie sociale dans le Paléolithique : collectivité, autorité et règle
de droit
Le Paléolithique est la première
période de l’ère quaternaire, relative à l’âge de la pierre taillée, seul
outillage pour la vie quotidienne des sociétés humaines émergentes, et la
période la plus longue aussi. Elle recouvre environ 95 % de l’histoire de
l’humanité, avec respectivement trois grands stades de mutations sociales très
perceptibles : de 2,9 millions d’années à 200 000 ans, de 200 000 ans
à 30 000 ans, et de 30 000 ans à 14 000 ans. Une très longue
période primaire où sortirent d’Afrique, il y a quelque 100 000 ans, les
premières migrations humaines de l’homme moderne, où apparurent également, il y
a plus de 15 000 ans, les premières civilisations humaines avec des outils de
pierre taillée (v. en ce sens l’assertion d’un « out of Africa» ou
scientifiquement l’hypothèse d’une origine unique récente ou encore recent
single-origin hypothesis ou RSOH ; Charles Darwin, La filiation de l’homme
et la sélection liée au sexe, 1871 ; la découverte en anthropologie
physique, de l’ADN mitochondrial : un génome utilisé en génétique des
populations humaines, ou en agronomie comme marqueur génétique pour la biologie
évolutive ; Yves Coppens, Maurice Taïeb, Donald Johanson et autres
archéologues avec la découverte en Ethiopie, en 1974, du fossile de Lucy, une
jeune femme vieille de plusieurs millions d’années ; Y. Coppens, Histoire de
l’homme et changements climatiques, Fayard, 2006 ; J.-J.
Hubin, D. Richter, A. Ben-Ncer, Conférence et dossier de presse sur l’Homo
sapiens de Jebel Irhoud, des Homo sapiens vivant au Maroc il a 300 000 ans
; F.-Z. Sbihi-Alaoui, J.-P. Raynal, J.-P. Daugas, Recherches sur la préhistoire
ancienne du nord du Maroc à travers 25 ans de coopération, Hal
Archives-ouvertes, du 8 juin 2005, p. 1-13).
La population, à cette
période, était nomade, ne produisait pas encore sa nourriture, car elle était
composée exclusivement de chasseurs-cueilleurs, qui se nourrissaient, par la
force des choses, de plantes, de fruits, de gibier et de pêche. La période est
donc caractérisée par l’économie de prédation, la maîtrise du feu, le troc des
savoirs, et la domestication, à son stade supérieur, d’un seul animal, le
chien, utilisé pour la chasse.
S’agissant de la
structure sociale globalement, dans l’ère Paléolithique, la société humaine
primaire (collectivité, autorité et règles de droit), s’était largement
inspirée dans son organisation et son fonctionnement de la société animale qui
existait, dans l’écosystème africain, bien avant elle, depuis des millions
d’années : fourmis, abeilles, cerfs, grands singes. Elle avait adopté les
mêmes valeurs d’union, de soutien, de solidarité, de partage…
La société humaine était,
à cette époque, primaire,
égalitaire ou « indifférenciée », et globalement pacifique, ce qui
donc explique l’absence de fortification et de hiérarchisation. Elle vivait en
groupes organisés en clans, en foyers, dans des grottes, des tentes ou des
huttes. Toutefois, certains anthropologues - s’appuyant sur la découverte de
nombre d’armes inadaptées pour la chasse, qui devaient donc, selon eux, servir
à tuer d’autres hommes, ainsi que sur des restes humains qui semblent avoir été
victimes des conflits - soutiennent que ces sociétés « primitives »
n’étaient pas si pacifiques que cela (Lawrence H. Keeley, War Before
Civilization : the Myth of the Peaceful Savage, Oxford University Press,
1996 ; Les guerres préhistoriques, rééd. Perrin, 2009).
En tout état de
cause, il s’agissait, en effet, d’organisations sociales émergentes (l’origine
de la règle de droit coutumier - incorporant à la fois pragmatisme, praxis,
spiritualité et peur ou fascination des phénomènes naturels - date probablement
de là), composées d’institutions protofamiliales, de familles
élargies, ou claniques, d’un effectif de dix à vingt individus, de type plus ou
moins matrilinéaire (v. dans le même ordre d’idées : L. H. Morgan, Ancient
society, or Researches in the Lines of Human Progress from Savagery through
Barbarism to civilisation, London, 1887 ; les notes de K. Marx, sur les
études anthropologiques des sociétés archaïques de L. H. Morgan, 1880 -
1881 ; F. Engels, L’origine de la famille, de la propriété privée et de
l’Etat, Moscou, 1884).
La famille est
incontestablement la première structure sociale dans la société humaine
émergente (l’origine du droit de la famille date vraisemblablement de là).
C’est ici que commencent aussi à apparaître les droits fonciers et d’héritage
vers la fin du Paléolithique, et la transition vers le Mésolithique, droits qui
se transmettaient par la lignée maternelle. L’origine lointaine du droit
foncier et d’héritage date également de là, probablement, v. au même titre
Johann Jakob Bachofen, Das Mutterrecht…, Stuttgart, 1861 ou Le droit maternel,
recherche sur la gynécocratie de l’Antiquité dans sa nature religieuse et
juridique, trad. E. Barilier, 1996 ; Ch. Letourneau, L’évolution du
mariage et de la famille, Paris, 1888 ; Simon Pembroke, Femmes et enfants
dans les fondations de Locres et de Tarente, art. 1970 ; Emmanuel Todd,
L’origine des systèmes familiaux, 2011.
2)- L’organisation ou la vie sociale dans
le Mésolithique : collectivité, autorité et règle de droit
C’est une période dans l’histoire de l’humanité
qui correspond à l’âge moyen de la pierre. Elle est située entre celle de la
pierre taillée (Paléolithique) et celle de la pierre polie (Néolithique), en
moyenne entre environ 15 000 et 10 000 ans, et caractérisée par le début
de l’économie productive. Mais elle perpétue encore un mode de subsistance basé
sur la chasse, la pêche et la cueillette. Des changements économiques et
sociaux s’opèrent progressivement : début de la sédentarisation, de
l’agriculture, sans domestication des espèces végétales, nouvelles techniques
de chasse, rites et pratiques funéraires, émergence des premières nécropoles,
des premières croyances (animisme, totémisme, monolâtrie), des premiers
préceptes, des premières prescriptions, des rivalités et des conflits sociaux.
Certains chercheurs archéologues soutiennent, avec raison, l’idée qu’on est
passé, dan l’histoire de l’humanité, du polythéisme, avec ses nombreux dieux
locaux, à la monolâtrie qui vénère un dieu ou une déesse (la déesse mère), de
préférence aux autres, puis à l'hénothéisme qui identifie un dieu à « son »
peuple, et enfin au monothéisme qui adore un dieu unique à l'exclusion de tout
autre (P. Buresi, CNRS, Enseigner l’histoire des trois monothéismes). Aussi,
comme on peut le constater, la règle de droit est-elle certainement née,
grandie, développée et épanouie au sein même des préceptes religieux !
Elle en est manifestement le pur produit.
Débutent alors les premières formes de hiérarchisation,
de fortification, de groupements territoriaux et de réflexion sur le mode
d’organisation de la collectivité (Les premières civilisations humaines,
accessible en ligne). S’opère également une dynamique interne d’évolution des
groupes humains, tout en conservant un mode de vie nomade par endroits et
l’avancée d’une sédentarisation à d’autres endroits, avec la formation très progressive
de chefferies, de tribus, puis la construction de villages.
On est passé progressivement, et sur une
longue période, des abris isolés à des villages organisés. Une nouvelle forme
d’organisation sociale s’opère alors, une hiérarchisation confirmée, une
autorité instituée, une nécessité politique et une structure trifonctionnelle
se distinguent clairement : la fonction politico-religieuse, la fonction
guerrière, la fonction de production et puis, plus tard de reproduction (F.
Engels, Anti-Dühring, 1878 ; G. Dumézil, L’idéologie tripartie, des
Indo-Européens, Latomus, Bruxelles, 1958). Se précise alors la division du
travail, des tâches et des métiers, et commence à prendre forme la notion de
souveraineté, qui est en effet consubstantielle à toute forme d’Etat (M. Weber,
Economie et société, Plon, Paris, 1971). Le processus institutionnel
politico-juridique se met ainsi en branle : la légitimité, d’abord, puis
le commandement et l’obéissance, ensuite, et enfin la légalité. « La
souveraineté a toujours existé en fait - disait J. Freund dans : L’essence
du politique, Dalloz, Paris, 2004 - partout où il y a eu commandement ». La
politique selon H. Arendt, dans « Qu’est-ce que la politique ?»,
Seuil, 1993, traite de la communauté et de la réciprocité d’êtres
différents ». L’origine du politique, de l’autorité instituée, et du droit
constitutionnel datent également vraisemblablement de là. Apparaît aussi aux
côtés du privé - la famille, le clan, la fratrie, le foncier, l’héritage des
biens et des enfants… - la notion du public. En effet, «tout ce qui est relatif
à une collectivité, et particulièrement à un peuple tout entier, devient de ce
fait affaire publique » disait C. Schmitt, dans : « La notion de
politique », Flammarion, Paris, 1992. Là où il y a des hommes, des
humains, il y a une organisation, une structure du pouvoir suprafamilal ou
clanique, à l’origine, municipal ou étatique, plus tard.
3)- L’organisation ou la vie sociale dans
le Néolithique : collectivité, autorité et règle de droit
C’est la période la plus
récente de l’âge de pierre, relative à l’âge de la pierre polie (située en moyenne
entre 10 000 et 5 300 ans) ; puisqu’en Mésopotamie, par exemple,
et dans le Croissant fertile en général, les grands changements techniques,
économiques et sociaux caractéristiques du Néolithique, débutèrent, en revanche,
il y a plus de 14 000 ans. C’est une
période, le Néolithique, marquée par de profondes mutations techniques,
économiques et sociales, comme l’adoption d’un mode de vie fondé sur
l’agriculture et l’élevage, la sédentarisation et la domestication des espèces
végétales et animales, la généralisation et le perfectionnement de l’outillage
en pierre polie, la poterie, l’art, l’architecture et la construction des
premières cités : la ville de Jéricho, en Palestine, a été bâtie il y a
9 000 ans. Avec une sédentarisation
de plus en plus enracinée la société avait pris conscience des impératifs de consommation :
se crée alors un besoin de stockage des denrées, de réserves alimentaires, de
sauvegarde de matériaux nécessaires à la subsistance, et un surplus économique,
de type agricole (cf. en ce sens l’enseignement tronqué, mutilé, de l’histoire
de la pensée économique au Maroc, ou à l’étranger ; K. Marx, Le capital,
critique de l’économie politique, 1867 ; K. Kautsky, Les théories de la plus-value,
1905-1910 ; Jared Diamond, Le monde jusqu’à hier. Ce que nous apprennent
les sociétés traditionnelles, Gallimard, 2013).
Aussi une organisation
sociale très élaborée et complexe voit-elle le jour : la famille, le
pouvoir, l’autorité, la justice, l’ordre social, le territoire, la propriété
privée, la règle de droit, coutumière, complexe et diversifiée…Ainsi,
« Science et magie, religion et droit vont-ils de pair et sont-ils des
attributs du pouvoir souverain …» (Ph. Chiappini, Le droit et le sacré, Dalloz,
Paris, 2006 ; Mercia Eliade, Le sacré et le profane, Paris, 1965, 2ème
éd. 1987), des attributs d’une organisation sociale très poussée, très
complexe.
La division du travail se
développe et se perfectionne, la société aussi (législation, administration,
défense, économie, justice) et le droit, en tant que phénomène social normatif,
régissant les rapports sociaux, suit le même parcours, forcément : il prohibe ou prescrit, selon les cas, tel ou tel
fait, tel ou tel acte. Et le « lege lata / lege feranda » ou « le sein / sollen », ou encore « ce
qui est / ce qui doit être », deviennent désormais l’effet d’une volonté
politico-religieuse, qui est celle d’un ordre juridique bien établi (v. dans le
même ordre d’idées H. Kelsen, Théorie pure de droit, Dalloz, Paris, 1962).
4)- L’organisation
ou la vie sociale dans l’Ere moderne : collectivité, autorité et règle de
droit
L’Ere moderne commence il
y a environ 5300 ans, avec la généralisation de la métallurgie, l’invention de
l’écriture, la médecine, les sciences, en Mésopotamie d’abord, en
Egypte antique ensuite, et dans d’autres contrées plus tard. Des exigences
pratiques, pragmatiques, de la vie quotidienne, liées au développement du
commerce, de l’administration et de l’Etat (enregistrement et conservation des
transactions par les scribes, tenue des comptes financiers, codification des
lois, consignation de l’histoire) ont fait que l’écriture est devenue un moyen
de transcription des activités quotidiennes beaucoup plus sûr, plus fiable,
plus pérenne. En conséquence, un nouvel ordre social est né comportant de
riches éléments de droit commercial, comptable et financier. Et l’on observait
également le développement des formes composées de la famille, des groupes
fondés sur la stratification de la société globale, la formation de systèmes juridiques
et une législation sociale très élaborée, très complexe.
Alors progressivement
nombre de grands évènements au sein d’Etats structurés, firent leur apparition
comme le Code d’Hammourabi, il y a 3800 ans, ou une organisation sociopolitique
achevée, de fondement religieux monothéiste dans un premier temps,
(chronologiquement : le judaïsme (loi de Moïse) il y a 2700 ans, le
mazdéisme en Iran antique : 2677 ans, le christianisme : 2020 ans,
l’Islam : 1410 ans), et post-religieux dans un deuxième temps (Omeyyades
il y a 1356 ans, Abbassides 1267 ans, Idrissides 1228 ans), puis Renaissance il
y a 617 ans, en Europe, et 200 ans plus tard, Révolution intellectuelle (en 1789)
et un peu plus tard encore, Révolution industrielle (au 19ème s.),
puis, à un moindre niveau, mai 68, en France…
L’on assistait aussi,
dans un troisième temps, durant ces deux derniers siècles, à une production
juridique et philosophique et une systématisation progressive importante en la
matière : droit divin, droit naturel et droit positif ; droit
subjectif et droit objectif ; droit interne et droit international, droit
substantiel et droit procédural, etc. Puis, arrivent aussi avec fracas, dans le
même courant, et même bien avant dans certains cas - comme pour les invasions
antérieures, ou la colonisation par le Portugal et l’Espagne de continents
presque entiers, dès le 16ème siècle - la colonisation et le partage
de l’Afrique, puis un grand mimétisme social, les phénomènes de mondialisation,
les Droits de l’Homme, ou les Droits humains, les NTIC… Le Printemps arabe…qui
n’a été qu’un printemps... La constitution marocaine de 2011…qui en a été une
résultante, puis la haine et la violence, la perversion de la religion…le
terrorisme…
Le droit reflète ainsi
complètement, en tant qu’angle normatif sur l’univers, et peut-être même sur le
« multivers », cette grande évolution, cette révolution, cette
explosion, cette implosion, de la collectivité, de la société humaine, dans ses
pratiques, dans sa diversité, dans sa façon de voir, de penser, d’agir, de
percevoir son passé, son présent, son avenir…
Aussi l’histoire de
l’humanité qui s’est déroulée sur des milliers d’années, voire des centaines de
milliers d’années, est-elle en effet passée, ou traversée, par trois grands
courants de pensée successivement, sans pour autant qu’ils soient exclusifs les
uns par rapport aux autres, ils chevauchaient même, et largement : le
sacré et le profane (N. Rouland, Anthropologie juridique, PUF, Paris, 1988)
mais aussi le profit, ou la sacralisation, la désacralisation et la
marchandisation des modes de perception, de conception, et d’organisation ou de
désorganisation sociale (J. Chabih, FSJES-UCAM).
ثلاثة مراحل أساسية في تاريخ الإنسانية: المرحلة الأولى
روحانية دينية، المرحلة الثانية سياسية عسكرية، والمرحلة الثالثة اقتصادية تجارية· وكان
القانون دائما، بالضرورة، بوصفه ظاهرة اجتماعية ضبطية، ترتبط وتتداخل في قواعده الدين والأخلاق والاجتماع
والسياسة والمبادلات، موجودا
في كل مرحلة من هذه المراحل الثلاث·
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