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La responsabilité administrative pour risque

الإدارة يونيو 19, 2024 يونيو 19, 2024
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 La responsabilité administrative pour risque

(Jilali Chabih - docteur et HDR, Paris 2 et Paris 5, en droit, finance et

fiscalité, et docteur d’État, en finance, fiscalité, administration et méthodes

de recherche, UCAM - Maroc)



الجيلالي شبيه، أستاذ التعليم العالي في العلوم القانونية والمالية والضرائب ومنهجية العلوم، جامعة القاضي عياض، مراكش                           

المسؤولية الإدارية بدون خطأ أو على أساس المخاطر في القانون المقارن وفي القانون المغربي إلى جانب المسؤولية اإلدارية الخطئية، أصبح القضاء، سواء المقارن أو المغربي، يبت كذلك في المسؤولية اإلدارية بدون خطأ أو على أساس المخاطر لما لهذه المقاربة القضائية الشمولية في المادة اإلدارية من أهمية في حماية حقوق وحريات األفراد واألشخاص وجبر األضرار الناجمة عن نشاط اإلدارة في حالة المخاطر أو قطع المساوات أمام الأعباء العمومية.

Administrative liability without fault or on the basis of risks in comparative law and

in Moroccan law

In addition to administrative liability for fault, the judiciary, whether comparative or Moroccan,

also decides on administrative liability without fault or on the basis of risks because this judicial

global approach in administrative matter is important in protecting the rights and freedoms of

individuals and persons and reparing the damages resulting from the administration’s activity in

the event of risks or the breakdown of equality in public charges.

La responsabilité, de manière générale, est l’obligation juridique et légale de réparer le dommage

ou le préjudice certain (matériel, moral, esthétique, d’agrément, de jouissance, perte d’une chance

ou préjudice par ricochet) que l’on a causé à autrui (atteinte à l’être vivant[1]), ou à l’ordre public,

non seulement par son fait (faute, négligence ou imprudence), mais aussi par le fait des personnes

dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde (art. 1382, 1383 et 1384 ou nouveaux

art. 1240, 1241, 1242 du code civil fr.).

Ainsi, au sens de cette définition, entends-je tous les engagements qui se forment avec ou sans

convention, et qui rentrent dans le cadre de la responsabilité civile, pénale, administrative, sociale,

commerciale, ou encore interne ou internationale, avec toutes leurs composantes : responsabilité

contractuelle ou quasi-contractuelle, responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle (Des sources

d’obligations, le contrat, la responsabilité extracontractuelle, art. 1100 à 1303 A, code civil fr.

version en vigueur au 16 juin 2024 ; des obligations en général, des causes des obligations, des

obligations qui dérivent des conventions et autres déclarations de volonté, art. 1à 477, code des

obligations et contrats, des différents contrats déterminés et des quasi-contrats qui s’y rattachent,

art. 478 à 1250, C.O.C.[2]).


S’agissant de la seule responsabilité administrative, c’est l’obligation de l’administration

(concentrée, centralisée, déconcentrée, décentralisée ou fonctionnelle), de son propre chef, ou sur

injonction du juge administratif, de réparer les préjudices et dommages, matériels, corporels,

moraux ou esthétiques causés à autrui (personnes physiques ou morales selon la nature du danger),

par le fait ou la faute qui lui sont, directement ou indirectement, imputables.

Toutefois, certaines circonstances, dont la charge de la preuve incombe à l’administration, à

l’exemple de la force majeure, de cas fortuit, du fait d’un tiers ou de celui de la victime elle-même,

peuvent, selon le degré d’implication de l’administration, l’exonérer totalement ou partiellement.

Aussi, la responsabilité administrative pour risque, ou la probabilité d’un évènement dommageable,

ne dépendant pas forcément de la volonté des parties, de se produire et ses conséquences, que nous

allons traiter dans le présent article se répartira en trois volets :


La responsabilité pour risque reconnue pour les collaborateurs permanents ou occasionnels des

services publics, la responsabilité pour risque reconnue en raison de l’existence d’un "risque spécial

de dommage" et la responsabilité pour risque reconnue en raison d’un "risque social"[3].


1.La responsabilité pour risque reconnue pour les collaborateurs

permanents ou occasionnels des services publics

C’est par l’arrêt Cames du 21 juin 1895 que le Conseil d’État a admis pour la première fois que la

responsabilité de l’État pouvait être engagée en l’absence de faute de ce dernier (C.E. 21 juin 1895,

CAMES, Rec. 509, concl. Romieu, Les G.A.J.A. Dalloz, 12e édition, 1999, p. 38 - 42).


En l’espèce, un ouvrier d’un arsenal militaire s’était blessé, sans qu’une négligence ou une

imprudence de sa part puisse lui être reprochée. Cette blessure l'ayant mis dans l’impossibilité de se

servir de l’une de ses mains et de pourvoir à sa subsistance, il intenta une action contre l’État.

Le commissaire du gouvernement Romieu avait estimé dans ses conclusions qu’il appartenait "au

juge administratif d’examiner directement, d’après sa conscience, et conformément aux principes

de l’équité, quels sont les droits et les obligations réciproques de l’État et de ses ouvriers dans

l’exécution des services publics, et notamment si l’État doit garantir ses ouvriers contre le risque

résultant des travaux qu’il leur fait exécuter".

Précédant la loi couvrant le risque professionnel, le Conseil d’État a donc accepté l’indemnisation

de ces collaborateurs permanents sur le fondement du risque encouru à raison de l’exercice de leurs

fonctions.

Force est de constater que, même après l’entrée en vigueur de cette législation relative aux pensions

et aux accidents du travail, le Conseil d'État a continué à admettre ce type de responsabilité pour

couvrir le préjudice esthétique ou moral (non couvert par le régime des pensions) et compléter le

montant de l’indemnisation.

Le Conseil d’État est allé plus loin en étendant le bénéfice de la théorie du risque à la catégorie des

"collaborateurs occasionnels des services publics" dans l’arrêt d’assemblée du


22/11/1946, Commune de Saint-Priest-la-Plaine (C.E. Ass. 22 nov. 1946, Commune de Saint-Priest-

La-Plaine, Rec. 279, D. 1947, 375, note Blaevoet ; S. 1947.3. 105, note F.P.B., Les G.A.J.A. op.cit. p.


388 - 396).

En l’espèce, deux bénévoles avaient accepté de tirer un feu d’artifice à l’occasion d’une fête locale -

qui a été considérée comme un service public car il s’agissait d’une manifestation habituelle - et

avaient été blessés par l’explosion prématurée d’un engin pyrotechnique sans qu’aucune

imprudence puisse leur être reprochée.

Les collaborateurs occasionnels des services publics sont les personnes qui apportent leur concours

aux services publics, soit de manière spontanée, soit en y étant requises.

Les hypothèses visées sont donc multiples et variées puisqu’elles peuvent concerner aussi bien une

personne qui apporte son concours aux agents de police pour arrêter un délinquant qu’une

personne qui porte secours à un noyé.

Le juge procède cependant à un examen des conditions qui ont mené l’individu à "participer" au

service public, notamment au regard de "l’urgente nécessité" de cette intervention. Il vérifie


également que l’individu a dépassé le cadre normal de ce qui pouvait être attendu de lui "en

contrepartie des avantages que lui apporte le service public". On citera ainsi l’exemple d’un

candidat au baccalauréat qui a ramassé des balles lancées par d’autres candidats sur la demande de

l’examinateur, qui a été blessé à cette occasion, et qui n’a pas pu être indemnisé sur ce fondement.

Le Conseil d’État fait pourtant preuve d’une attitude compréhensive en admettant l’indemnisation

des collaborateurs des services publics qui ont apporté leurs concours à des membres de leur famille

ou à des intimes (C.E. Sect. 1

er

juill. 1977, Commune de Coggia, Rec. 301 ; A.J. 1978. 286, concl.


Morisot ; R.D.P. 1978. 1141, note M. Waline, Les G.A.J.A. op.cit. p. 394).

S’agissant du Maroc, les collaborateurs permanents ou occasionnels des services publics bénévoles,

victimes d’un accident sont indemnisés sur la base de la législation en vigueur : loi du 25 juin 1927

relative aux agents contractuels de droit privé et la loi du 31 mars 1961 sur la réparation des

accidents du travail (cf. M. Rousset, Droit administratif marocain, 2003, p. 802).

2. La responsabilité pour risque reconnue en raison de l’existence d’un

"risque spécial de dommage"

La théorie du risque s’appuie sur l’idée selon laquelle l’activité de l’administration peut conduire

les administrés à encourir un risque malgré eux. Ce risque, s’il se réalise, place les administrés dans

une situation inconfortable dans la mesure où aucune faute ne peut être reprochée à

l’administration.

Or, "celui qui, à l’occasion d’une activité qui lui est profitable, crée un risque de dommages pour

autrui doit en répondre si le risque se réalise". Il est donc naturel, et équitable, que la victime puisse

être indemnisée (C.E. Ass. 24 juin 1949. 87335, Rec. Lebon, arrêt Mme Daramy, Président M.

Rouchon Mazerat, Rapporteur public, M. Barbet, Rapporteur M. Letourneur, disponible sur le

web ; Jean Waline, Droit administratif, Paris, Dalloz, 2014, p. 489, in H. Qazbir, L’indemnisation

des victimes d’actes terroristes : responsabilité publique ou garantie sociale ? Les annales de droit,

2018, Open Edition Journals).

La jurisprudence comparée a ainsi reconnu la responsabilité des personnes publiques dans un

certain nombre de cas (C.E. Sec. 17 avr. 1953, Pinguet, Rec. 177 ; S. 1954.3.69, note G. Robert, D.

1954.7, note G. Morange : cas d’un passant blessé par un malfaiteur à la poursuite duquel il s’était

spontanément lancé, Commune de Grigny, Les G.A.J.A., op.cit. p. 395).

A) - La responsabilité du fait des choses dangereuses

En l’espèce, il s’agissait de l’explosion d’un dépôt de grenades et de bombes incendiaires en pleine

ville, dépôt d’armes qui faisait également l’objet de manutentions fréquentes. Le juge administratif

a considéré, dans l’arrêt Regnault-Desrosiers du 28 mars 1919, que "ces opérations effectuées dans

des conditions d’organisation sommaires, sous l’empire des nécessités militaires - la Première

guerre mondiale - comportaient des risques excédant les limites de ceux qui résultent normalement

du voisinage, et que de tels risques étaient de nature à engager, indépendamment de toute faute, la

responsabilité de l’État" (C.E. 28 mars 1919, Regnault-Desrosiers, Rec. 329, R.D.P ; 1919. 239,

concl. Corneille, note Jèze ; D. 1920.3.1, note Appleton ; S. 191-1919.3.25, note Hauriou).

C’est donc sur le fondement du risque anormal de voisinage que le Conseil d’État a accueilli la

demande. Il a également reconnu - dans un arrêt d’assemblée : Consorts Lecomte du 24 juin 1949,


cas des passants blessés - que l’emploi d’armes à feu par la police pouvait engager la responsabilité

sans faute de l’administration en raison de la dangerosité des armes en question, voir dans le même

sens, à propos de l’usage d’armes par les forces de police, la Cour de Rabat, arrêt du 20 nov. 1951,

R.A.C.A.R., et arrêt du 15 mars 1960, et tribunal de Rabat, jugement du 10 mai 1961, cité par J.

Prat, La responsabilité de la puissance publique au Maroc, p. 144, cité par M. Rousset, op.cit. p.

800, et la Cour suprême, arrêt agent judiciaire c./ M’hamed Ben Abdesslem Doukkali, R.A.C.A.M.,

1966, p. 457, cité par M. Rousset, op.cit. p. 800.

Toutefois une telle responsabilité ne saurait être engagée qu’à la double condition que les dommages

subis excèdent, par leur gravité, les charges qui doivent être normalement supportées par les

particuliers en contrepartie des avantages résultant de l’existence du service public de la police, et

que la victime n’a pas contribué, par son attitude, à la réalisation du dommage (C.E. Ass. 24 juin

1949, Consorts Lecomte, Rec. 307, S. 1949.3.61, concl. Barbet ; J.C.P. 1949. II. 5049, concl. Barbet,

note George; D. 1950.5, Chr. Berlia et Morange; R.D.P. 1949.583, note Waline, G.A.J.A., op.cit. p.

419-425). On peut également intégrer dans cette catégorie, l’arrêt du coup de canon de la kasbah

des Oudaya à Rabat, tiré chaque jour à midi, dans les années trente, et qui par effet, brisait les

vitres des immeubles voisins, v. Cour d’appel de Rabat, du 21 janv. 1928, R.A.C.A.R., p. 330, cité

par M. Rousset, op.cit. p. 798.

Les « choses dangereuses » peuvent être, selon le Conseil d’Etat, des armes, telles que les armes à

feu, les pistolets, mais pas les grenades lacrymogènes, ou les distributions d’énergie et d’eau, tels

que les réseaux d’adduction d’eau ou les routes exposées à des chutes de pierres (Les G.A.J.A.,

op.cit. p. 421). En revanche, la Cour suprême, arrêt Ville de Tanger c./Martin, du 16 juil. 1959,

condamna la Ville à indemniser le sieur Martin du préjudice subi à cause des travaux municipaux

obstruant le lit de la rivière qui déborda, aux moments de grandes pluies et inonda le fonds de

commerce du sieur Martin (M. Rousset, op.cit. p. 795). De la même manière la Cour d’appel de

Rabat, arrêt Héritiers Marc, du 28 oct. 1941, condamna l’Etat à réparer les dommages dus aux

inondations causées aux victimes par l’exécution de travaux publics, ou encore la décision de la

Cour suprême, Consorts Mazover, R., p. 203, du 9 janv. 1960, condamna l’Etat à réparer le

dommage causé par des lignes électriques au-dessus d’une propriété (M. Rousset, op.cit. p. 794).

B) - La responsabilité pour risque aux activités dangereuses

C’était essentiellement les activités de l’administration en matière de rééducation et de réinsertion

des délinquants qui étaient visées à l’origine comme il résultait de l’arrêt de section Thouzellier du 3

février 1956 (C.E. du 3 févr. 1956, Thouzellier, Conseil d’Etat statuant au contentieux, publié au

Rec. Lebon, p. 49, Section MM. Fournier, rapp. Landron, c du g. disponible sur le net). Il s’agissait,

en l’espèce, des permissions de sortie qui pouvaient conduire ces délinquants à faire courir de

grands risques aux administrés qui, s’ils se réalisaient, leur ouvraient droit à indemnisation. La

même solution a été appliquée aux permissions de sortie accordées à titre thérapeutique aux

patients des hôpitaux psychiatriques (C.E. Sect. 31 déc. 1976, 97517, Rec. Lebon ; C.E. sect. 13 juill.

1967, 65735, Rec. Lebon, C.E. 5/3 SSR, 13 mai 1987, 49199, Rec. Lebon, in O. Henri, Responsabilité

médicale et psychiatrie, HAL archives ouvertes, 2015, p. 153-156, accessible sur le web).

Aujourd’hui davantage encore, la même jurisprudence du Conseil d’Etat, admet dans

l’arrêt Bianchi du 9 avril 1993, la responsabilité pour risque de l’administration hospitalière dès

lors que ses activités médicales comportent un "aléa thérapeutique" (v. dans le même ordre d’idées


l’indemnisation des victimes d’accidents thérapeutiques, Service des Affaires Européennes, nov.

2000, disponible sur le web).

Elle a également admis, arrêt d’assemblée du 26 mai 1995, Ets Nguyen, Jouan, Ets Pavan, la

responsabilité des centres de transfusion sanguine en raison des "conséquences dommageables de la

mauvaise qualité des produits fournis". Ces établissements avaient le monopole des opérations de

collecte de sang et avaient pour mission d’assurer le contrôle médical des prélèvements, du

traitement, du conditionnement et de la fourniture aux utilisateurs (CE, Ass., 26 mai 1995, Consorts

Nguyen, Jouan, Pavan, n° 151798).

En l’espèce, le Conseil d’Etat s’est aligné sur la jurisprudence de la Cour de cassation, qui, quelques

semaines auparavant, était arrivée au même résultat mais en se fondant de son côté sur l’obligation

de sécurité qui pèse sur les centres (Civ. 1

ère

, 12 avr. 1995, Consorts Martial, Bull. civ. II, n° 180, p.

130 ; v. dans le même ordre d’idées Chr. Guettier, Le traitement des catastrophes par le droit de la

responsabilité administrative p. 71-90, Risques études et observations, 2011, Les sciences juridiques

à l’épreuve des catastrophes et des accidents collectifs Retour sur 15 ans d’expérience, d’expertise et

de réflexions, disponible sur le web).

Dans le domaine médical, comme dans d’autres domaines où la dangerosité était avérée, à l’exemple

du terrorisme ou de l’amiante, le législateur s’est résolument préoccupé du sort des victimes, même

parfois à l’encontre de la jurisprudence du Conseil d’État. C’était le cas de "la réparation intégrale

des préjudices directement imputables à une vaccination obligatoire", dont l’indemnisation, a été

effectuée par l’O.N.I.A.M., Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux, qui, en

l’occurrence, vaut transaction. Aussi, la loi du 4 mars 2002, dite « loi Kouchner », relative aux droits

des malades et à la qualité du système de santé, ouvre-t-elle le plein droit à la réparation des

préjudices des patients victimes d’accidents médicaux, d’affections iatrogènes et d’infections

nosocomiales et à la solidarité nationale due aux victimes, dès lors que la responsabilité de l’agent

de l’administration ou celle de la partie contractante : médecin, professionnel, établissement ou

producteur n’est pas engagée (Cf. L’affaire du Stalinon, à la vitamine F, en France, en juillet 1954 et

l’affaire du Distilbène, aux E.U.A., novembre 1971, l’affaire Vioxx, septembre 2004, de

l’épidémiologie du risque concernant des effets indésirables des médicaments, les problèmes de

toxicité et de surdosage, cf. Le Monde, France Observateur, Paris - Match, des notes et

commentaires des périodiques juridiques comme : Gazette du Palais, Recueil Dalloz, Jurisclasseur,

Revue des Sciences criminelles, ainsi que la Presse médicale, Bulletin de l’Académie de médecine...

et concernant la crise du Distilbène aux Etats-Unis cf. New York Times et Washington Post).

On peut également, dans le même ordre d’idées, et dans le cadre de traitements médicaux risqués,

citer l’arrêt sieur Pasquis, de la Cour d’appel de Rabat, du 4 janv. 1940, R.A.C.A.R., p. 423, et la

décision Zouined Hamou, de la Cour suprême, n° 346, du 26 nov. 1979, J.C.S. 1981, n° 28, p. 3,

condamnant respectivement l’Etat aux dommages-intérêts au bénéfice des victimes (M. Rousset,

op.cit. p. 801-802).

C)- La responsabilité sans faute liée à l’existence d’un risque spécial de dommage

pouvait être engagée en raison de situation dangereuse


L’exemple typique est celui de l’enseignante enceinte contrainte d’assurer son service à l’école alors

que sévit dans l’établissement une épidémie de rubéole. Elle s’est trouvée contaminée et son enfant a

subi des malformations (C.E., Ass., du 6 nov. 1968. 72636, Dame Saulce, Rec. Lebon, rapporteur

public M. Bertrand, rapp. Mme Bauchet, accessible sur le web).

A noter également dans le même ordre d’idées : Les sagas de 30 septembre 2004 (6/8), comment la

pilule Vioxx a gangréné l’industrie ; les « Évènements indésirables dans le système de santé »,

Revue Française des Affaires Sociales, de 2007/3-4 pages de 123 à 151 ; ou encore la conjonction

dans les années 80 entre crise agricole et crise médicale (ou crise de santé publique), concernant les

additifs alimentaires, les insecticides et les pesticides aux États-Unis d’Amérique et en Europe...

3. La responsabilité pour risque reconnue en raison d’un "risque social"

La responsabilité administrative peut également être mise en jeu en raison d’un risque social lié à

des attroupements ou des rassemblements. Ces attroupements ou rassemblements, de quelque

nature qu’ils soient - manifestations politiques, mouvements sociaux et grèves sur les espaces

publics, émeutes, fêtes de village ou évènements sportifs - peuvent en effet entraîner des dommages

aux biens ou même aux personnes. Traditionnellement, le juge administratif accepte

l’indemnisation des victimes en cas de dommages causés aux particuliers du fait des crimes et délits

commis sans que les forces de police aient pu les empêcher.

Cependant dans ce domaine, comme dans celui de la responsabilité reconnue en raison d’un risque

spécial de dommage, le législateur est intervenu pour assurer l’indemnisation la plus équitable des

victimes. Selon l’ancien article L. 2216-3 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) :

"L’État est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis

(...) par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés (...). Il peut exercer une action

récursoire contre la commune lorsque la responsabilité de celle-ci se trouve engagée". Dans le même

esprit le nouvel article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure, en France, dispose : « L’Etat est

civilement responsable des dégâts résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par

violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes,

soit contre les biens ».

Il s’agit, en l’occurrence, d’un régime de responsabilité sans faute des pouvoirs publics (Etat et / ou

collectivités territoires) favorable aux victimes du fait de dommages subis lors d’attroupements ou

rassemblements, parce que lesdites victimes n’ont pas à invoquer le fait que le dommage subi est

spécial et anormal (C.E., avis, 20/02/1998, Sté Études et construction de sièges pour l’automobile).

Force tout de même est de préciser que cette disposition n’est pas applicable aux actions

préméditées (comme des opérations de commando : par exemple, destruction par explosifs d’un

pylône électrique, cf. T.C., 04/11/1985, Préfet, C.O.R.E.P. de l’Aude c./ T.G.I. de Carcassonne).

Seules la faute de la victime et la force majeure constituent des causes exonératoires de

responsabilité dans le cadre du régime de la responsabilité pour risque.

Par ailleurs, dans un contexte de protectorat ou plutôt de colonisation de la Tunisie, la décision du

Conseil d’Etat du 30 novembre 1923 marque le point de départ de la jurisprudence reconnaissant -

à tort le droit au sieur Basilio Couitéas demeurant à Tunis d'en faire expulser pour constituer son

grand domaine de 38 000 hectares, 8 000 propriétaires légitimes - la responsabilité sans faute de


l'administration pour rupture de l'égalité devant les charges publiques. Le gouvernement français

lui avait à maintes reprises refusé l’intervention de la force militaire d'occupation, pour l’expulsion

d’un si grand nombre de personnes. En effet, une telle expulsion aurait, selon le gouvernement,

entraîné des troubles graves de l’ordre public (C.E. arrêt Couitéas du 30 nov. 1923, n° 3828448688,

Rec. Lebon p. 789, Rapporteur M. Riboulet, Commissaire du gouvernement M. Rivet).

Dans le même esprit de rupture d’égalité devant les charges publiques, mais cette fois-ci dans le

contexte franco-français, on relèvera, dans certains cas, le juge considère ainsi que la puissance

publique peut légalement faire supporter, au nom de l'intérêt général, des charges particulières à

certains membres de la collectivité, mais que le principe d'égalité devant les charges publiques tiré

de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, justifie qu'une compensation leur soit

accordée. Néanmoins, à condition que le préjudice soit anormal c'est-à-dire qu'il atteigne un certain

degré d'importance, et spécial, c’est-à-dire qu’il ne concerne que certains membres de la collectivité.

De même si l’État a décidé, pour telle ou telle raison, de ne pas recourir à la force publique pour

disperser les attroupements, alors que le trouble à l’ordre public est caractérisé, les victimes de ces

attroupements pourront en l’espèce, si le préjudice subi s’avère d’une particulière gravité, fonder

leur action sur la responsabilité de l’administration pour rupture d’égalité devant les charges

publiques (Cour Administrative d’Appel de Nantes, 11 janv. 2013, numéro 11NT02106 ; et 15 déc.

2015, n° 14NT1609, cité par R. Blanquet, Avocat au barreau de Rennes, La responsabilité de l’État

du fait des dommages causés par les attroupements, disponible sur le web).

Nous avons vu, ci-dessus, le cas de M. Couitéas qui voulait expulser 8000 personnes ce qui aurait pu

entraîner des troubles graves et aurait voulu une aide militaire. Il se pourvut alors en cassation,

demandant au Conseil d’État l’indemnisation du préjudice qui résultait de cette absence de

concours.

La décision Couitéas marque le point de départ de la jurisprudence reconnaissant la responsabilité

sans faute de l'administration pour rupture de l'égalité devant les charges publiques. Dans certains

cas, le juge considère ainsi que la puissance publique peut légalement faire supporter, au nom de

l'intérêt général, des charges particulières à certains membres de la collectivité, mais que le principe

d'égalité devant les charges publiques tiré de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de

1789, justifie qu'une compensation leur soit accordée, à condition que le préjudice soit anormal

c'est-à-dire qu'il atteigne un certain degré d'importance, et spécial, c’est-à-dire qu’il ne concerne

que certains membres de la collectivité.

Cette position du Conseil d’État, n’est pas étrangère aux engagements internationaux de la France

(CE, Assemblée, 8 février 2007, Gardedieu, n°279522) ou aux principes généraux du droit de

l’Union Européenne (CE, 23 juillet 2014, Société d’éditions et de protection de la route, n° 354365,)

et des conventions internationales (CE, Assemblée, 30 mars 1966, Compagnie générale d'énergie

radioélectrique, n°50515,).

Il en est de même dans le cas de dommages permanents, c'est-à-dire dépourvus de caractère

accidentel, de travaux publics, qu'ils résultent de l'exécution de travaux publics ou de l'existence

d'ouvrages publics (par ex. CE, 22 juin 1983, Société des autoroutes du Sud de la France (S.A.S.F.),


n°35827 et suivants) et des dommages directement causés par des perquisitions administratives

ordonnées sur le fondement de l’article 11 de la loi du 3 avril 1955 (CE, 6 juillet 2016, M. N et

autres, n° 398234). La jurisprudence Couitéas a par ailleurs reçu une confirmation législative par la

loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution, qui dispose, à l’article 16 : «

L’État est tenu de prêter son concours à l’exécution des jugements et des autres titres exécutoires.

Le refus de l’État de prêter son concours ouvre droit à réparation ». La responsabilité sans faute de

l'administration pour rupture de l'égalité devant les charges publiques ne peut toutefois être

engagée en toute hypothèse, au risque de paralyser toute action administrative, dont le coût

deviendrait exorbitant. C’est l’approche retenue par le législateur, qui a exclu l’indemnisation des

servitudes d’urbanisme, sauf hypothèses très limitées, le juge ayant toutefois eu une appréciation

assez libérale de ces dispositions (CE, Section, 3 juillet 1998, Bitouzet, n°158592).

(Jilali Chabih - docteur et HDR, Paris 2 et Paris 5, en droit, finance et fiscalité, et

docteur d’État, en finance, fiscalité, administration et méthodes de recherche, UCAM

- Maroc)


1


[1]

- Que cet être vivant soit une personne, un animal ou une plante. « Toute personne responsable d’un préjudice

écologique est tenue de le réparer », art. 1246, du code civil français, version en vigueur au 16 juin 2024 ; toute atteinte

« aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement » doit

être réparée, art. 1247 du même code ; ces dispositions ont « pour objet la protection de la nature et la défense de

l’environnement », art. 1248, du même code.

[2]

- Les obligations, selon l’art. 1100 du C.C.F., naissent d’actes juridiques, de faits juridiques ou de l’autorité seule de

la loi. Les obligations, selon l’art. 1


er du C.O.C., dérivent des conventions et autres déclarations de volonté, des quasi-

contrats, des délits et des quasi-délits.


[3]

- Le risque de manière générale est tout fait, plus ou moins prévisible, préjudiciable à autrui, aux biens ou à

l’environnement, et qui ne dépend pas exclusivement de la volonté des parties impliquées dans ledit fait. On notera ainsi

l’exemple des risques d’incendie, des risques locatifs ou climatiques, des risques de transport de matières dangereuses,

des risques naturels (feux de forêts, cyclones, avalanches, inondations, grêles...), risques technologiques (industriels,

nucléaires, biologiques...), comme la rupture d’un barrage, les émanations toxiques, la pollution du sol, de l’air, des

eaux, ... « Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fît ».

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